ninasaul

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Entre elle et toi sur le banc, pas un souffle de vent.

Nina est assise sur un banc. Avec des arbres autour. Et un sous un soleil d’automne dessus. Pas de nuages. Et pas de vent. Une dame assise à côté d'elle. 

 

Nina regarde les mains de sa voisine, deux mains rangées, posées l’une sur l’autre, qui ont l’air d’être vieilles depuis cent ans, qu'ont l’air d’être nées comme ça et de n'avoir vécu jamais avant. Moment présent. 

 

Entre elle et toi sur le banc Nina, il n'y a pas un souffle de vent. Dans le silence qui s’ennuie, s’immisce le son d’une voix douce et craquelée, une voix de vieille. 

 

«  Ce banc a toujours été là » dit la voix.

 

Tu n’es pas sure d’avoir bien entendu. La vieille te parle-t-elle à toi Nina ? Elle a parlé c’est sûr mais toi tu as suivi du coin de l’oeil sa main qui était belle n’était plus vieille et s’envolait comme un oiseau jusqu'à hauteur de son visage. Elle s’est arrêtée là, à côté de son visage, tout proche du tien. Une main souple et immobile, bien plus légère que l’aurore sous ton regard. Et tout s’est arrêté encore une fois. Sauf le silence. 

 

« Ce banc a toujours été là. Ce n’est pas le même bien sûr …  Mais ce que je veux dire, c’est qu’il y a toujours eu un banc ici », dit la vieille dame.

 

Avec ces derniers mots, sa main-oiseau s'est posée sur l'autre main déjà posée sur ses genoux. Deux mains bien sages. Rangées. L’une sur l’autre. Tu regardes ses mains Nina. La vielle femme continue de parler dans sa tête. Elle ouvre une porte, entre dans son passé et reprend à voix haute : 

 

« J’étais un tout petit bébé la première fois que je suis venue ici. Ma mère aimait beaucoup venir ici. »

 

Ses vieilles mains toute émues se sont à nouveau envolées au chant de ses souvenirs, montant jusqu'au gris de la racine de ses tempes où quelques doigts ont pianoté dans les airs et se sont posés sur ses joues. Pointes d’os et sacs de rides. 

 

Attendre la fin du silence qui n’est jamais bien long de toutes façons. 

 

Regarde les mains de ta voisine, elles ne bougent presque pas, rangées. Bien l'une sur l'autre. La vielle femme regarde devant elle, elle voit grands ouverts les bras de sa maman, elle court. Petite fille. Elle court. S’élance en riant dans les bras de sa mère, et perd un grand éclat de rire dans sa course folle mais elle s'en fiche. Petite fille elle rit et vieille elle se souvient. 

 

Monte une larme. Monte doucement, prend tout son temps. Elle tombera c’est sûr elle est trop lourde, elles tombent toujours. Elles tombent toutes. Les larmes.

 

"Je viens ici tous les jours", dit la vieille dame, "c’est ici que j’ai appris à marcher."

 

Nina regarde les mains de sa voisine. Voit une larme tomber de haut. Elles tombent toutes, elles tombent toujours. 

 

Nina regarde ses mains. Pointes d’os et sacs de rides. Petite fille deviendra vieille.

 

Un éclat de rire d’enfant au loin se rapproche, s’éloigne, et se rapproche, et puis s'éloigne. 

 

Les jours d’automne se font moins longs. Il se fait tard il va faire noir. Il faut rentrer Nina. 

 

Le banc tu sais, il sera là demain. 



20/12/2016
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